Christophe Chassol, “The Message of Xmas”

Interview réalisée par SAYWHO

Aujourd'hui, le compositeur français partage cette pièce inédite à travers un album de Noël, "Le Message de Noël", disponible le 5 décembre. L'occasion pour Say Who de le retrouver dans son studio, exactement un an après notre premier entretien, pour revenir sur son année 2020, mais aussi sur une décennie faite de rencontres, de voyages, de découvertes et, bien sûr, de musique.

Cette interview est la première d'une série numérique intitulée "Portraits d'une décennie" complétant notre livre anniversaire des 10 ans sorti en décembre.

Qu'est-ce qui vous a donné envie d'en faire un album de Noël ?

Christophe Chassol :

L'album de Noël est un peu un prérequis quand on est un artiste du disque, et je ne l'avais jamais essayé auparavant. Le projet étant né fin 2019, il m'a aussi permis de revenir sur les dix dernières années, sur l'ensemble de mes travaux et recherches. J'ai pu mettre dans cette pièce d'une vingtaine de minutes toutes les techniques d'auto-échantillonnage – une technique que je développe depuis les années 2000 – des techniques de composition minimalistes inspirées de Steve Reich ou Terry Riley, aux processus de transformation graduelle… J'ai a également utilisé ma technique de 'l'ultrascore' : j'ai harmonisé un extrait des voeux de Noël de la reine Elisabeth, dont j'ai extrait une mélodie pour la faire chanter au chœur de l'Orchestre de Paris dirigé par Lionel Sow.

La couverture est très drôle. Quelle était l'inspiration derrière cela?

cc :

Il représente ce fantasme des pochettes d'albums "Christmas Special" des années 1960 et 1970 d'artistes américains. Nous l'avons copié d'un magazine appelé Ebony dans lequel on pouvait voir, par exemple, Marvin Gaye déguisé en Père Noël. Cette fois-ci, ce n'est pas la musique qui commence par une image, mais elle appelle beaucoup d'images. L'un des morceaux, intitulé "Sweet Jesus", est en fait l'une de mes œuvres d'étudiant qui remonte à l'époque où j'étudiais au Berklee College of Music en 2002. Je n'ai jamais eu l'enregistrement car mon professeur l'a gardé ! Aujourd'hui, je suis très heureux de l'avoir enfin réenregistré.

La culture de Noël a-t-elle une signification particulière pour vous ?

cc :

La musique associée à Noël fait partie de ma culture d'apprentissage de l'orchestration. J'ai beaucoup écouté Barbra Streisand et Baccara et j'aime écouter les arrangements de cors d'harmonie qui apportent la chaleur de la cheminée en contraste avec la rigueur de l'hiver.

L'album est-il accompagné d'un film, comme vous le faites habituellement ?

cc :

Pas celui-là, par contre on vient de sortir mon dernier album « Ludi » en film ! Nous avons sorti l'album en mars dernier, juste avant le confinement en France, donc juste à temps pour que je puisse en faire la promotion et donner quelques concerts. Seuls les gens qui sont venus me voir le jouer en direct ont pu voir le film car il n'était pas disponible autrement. Aujourd'hui, c'est en streaming sur mon site, et j'en suis très content, car le public n'en avait vu que la moitié jusqu'à aujourd'hui ! Du coup, on comprend mieux la musique de tout l'album.

Christophe Chassol in his parisian studio

Christophe Chassol porte les basketsJim in White grained.

Comment avez-vous vécu l'année 2020 en tant que personne créative ?

cc:

Le confinement s'est plutôt bien passé pour moi car j'avais pu promouvoir mon disque juste avant, et j'avais aussi envie de faire une petite pause. Mais c'était aussi difficile de connaître les situations intenables que cela créait pour beaucoup de gens. Je me suis plongé dans mon travail, et j'étais avec ma famille. Au final, j'ai fait beaucoup de choses : j'ai trié tous mes disques durs, j'ai retrouvé beaucoup de vieux travaux, des idées que j'avais mises en attente, j'ai beaucoup travaillé sur l'harmonisation des stand-up, des oiseaux… J'ai fait un reprise d'une chanson de Stephen Sondheim de la comédie musicale 'Company', '(Not) Getting Married Today', avec mon ami Ala.ni. J'ai également composé la musique d'un court-métrage, "Vanilla". Et j'ai beaucoup pratiqué le piano, ce qui est toujours bien !

Votre travail repose beaucoup sur la collaboration avec d'autres artistes. Comment avez-vous gardé cet aspect collaboratif à distance ?

cc:

Comme je le disais, j'ai enregistré cette reprise de Sondheim avec Ala.ni, et j'ai travaillé avec mon équipe habituelle à distance : mon ingénieur du son Renaud Thill a créé le mix, mon batteur Mathieu Edward a créé le beat, Ala.ni était au chant, mon le manager Boris a fait les sous-titres, et Etienne Gueriaux, qui est le monteur avec qui j'ai fait 'Ludi', a monté les images.

Qu'écoutez-vous en ce moment?

cc:

Chaque semaine, je donne une chronique pour France Musique, donc je m'immerge à chaque fois dans un artiste différent. Ces temps-ci, j'écoute Guillaume Connesson, mon artiste français préféré. C'est de la musique symphonique a la John Adams, avec de la vitalité, de l'humour et des orchestrations brillantes. J'écoute toujours beaucoup de musique classique indienne aussi. Ces derniers temps, je me suis plongé dans l'oeuvre de David Shire, un compositeur de musiques de film que je ne connaissais pas bien, et je découvre des musiques de film des années 70, notamment 'The Taking of Pelham 123', qui avait un remake avec Denzel Washington. J'écoute aussi beaucoup ASAP Rocky, surtout "Angels", un morceau de son premier album.

Sur quels projets travaillez-vous en ce moment ?

cc:

Je prépare un film pour la ville de Bruxelles, et une bande originale de défilé de mode pour une grande marque… Je prépare aussi une pièce autour des oiseaux pour le musée d'Orsay pour une exposition sur la nature et la science intitulée “The Origins of the World”.

 

Quels ont été pour vous les événements les plus cruciaux de ces dix années ?

cc:

Pour moi, la réélection d'Obama, le mariage homosexuel, la crise migratoire… Mais peut-être que l'événement le plus important restera le mouvement #METOO, car il a initié un véritable changement de paradigme. Nous avons vu quelque chose changer dans la psyché des gens. La protection de l'environnement est devenue cruciale ces dix dernières années, ainsi que la prise de conscience des populations.

Et en musique ?

cc:

J'ai vu l'innovation dans la musique rap avec des gens comme Kendrick Lamar. Avec l'essor de Netflix et la production de masse de films et de séries, j'ai vu un changement dans la musique de film. Je le trouve bien meilleur au cours des cinq dernières années que tout ce que j'ai entendu depuis la fin des années 1980. J'ai l'impression qu'il y a une nouvelle liberté par rapport aux grands studios habituels. C'est dans ces deux domaines que j'ai trouvé le plus d'innovation.

Christophe Chassol wearing Jim white

 

Qui est la personne de la décennie pour vous ?

cc:

En France, je dirais Christiane Taubira, non seulement pour son combat pour le mariage homosexuel mais aussi pour la façon dont elle a répondu aux insultes et aux effusions de haine.

Avez-vous beaucoup voyagé ces dernières années ? Quand vous sortiez, quel était votre endroit préféré ?

cc:

Je suis beaucoup sorti de 2010 à 2016, puis il s'est passé quelque chose dans ma vie qui a tout changé : j'ai eu un enfant ! Avant cela, je sortais très tard le soir, et j'allais souvent à la brasserie Karlsbrau après être passé par le Tambour, rue Montmartre. On pouvait y voir toutes sortes de gens : des freaks, des bourgeois, etc. C'est là que j'écrivais les idées de mes albums, et j'y étais presque tous les soirs.

Avez-vous des anecdotes de fête que vous chérissez encore aujourd'hui ?

cc:

Je n'ai pas arrêté de tourner depuis 2007, et c'est vrai que j'ai beaucoup d'anecdotes, notamment une de mes tournées en Inde. Le dernier concert de la tournée a eu lieu dans le désert de Jodhpur, à sept heures de route de toute civilisation. J'y ai joué sous la pleine lune à minuit et j'ai fini par faire un DJ set dans les dunes. J'y ai perdu mon téléphone portable la toute dernière nuit. A ma grande surprise, quelqu'un me l'a rendu deux jours plus tard, à Paris, à Denfert-Rochereau !

Au final, comment décririez-vous les dix dernières années ?

cc:

Dix années bien remplies, dépaysantes car j'ai beaucoup voyagé, une décennie riche en rencontres. Des questions assez fascinantes sur la musique. Pour moi c'était aussi cinq albums et de nombreuses collaborations, j'ai travaillé avec des artistes américains comme Solange ou Frank Ocean. Ce fut un temps très rapide, brutal même !

 

Jacques Black nappa on Christophe Chassol's piano

Christophe is wearing Jacques black

Christophe Chassol is wearing style Jacques in black nappa.

 

“The Message of Xmas”, Christophe Chassol, sortie le 5 décembre.
Interview: Maxime Der Nahabédian - Portraits: Jean Picon


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